Comment ne pas commencer par là puisque c'était le but de cette aventure, vivre quelque chose de grand, de très grand, de très fort... Je vais donc essayer de vous retranscrire et vous faire ressentir toutes les émotions de cette journée qui restera inoubliable pour Alex et moi.

J-1... Derniers moments de détente.

Commençons par J-1, la veille pour les non initiés. Assez fatigués par le voyage qui aura duré 3 jours tout de même, puis par 2 nuits passées au tri-camp, nous décidons d'un commun accord avec Alex d'aller nous promener dans la ville la plus proche, GEILO en l’occurrence, 90km à l'Est d'EIDFJORD et mi-course du parcours vélo (jusqu'alors)... Cela tombe bien, ça nous permettra de faire le parcours vélo dans le sens de la course puisque nous l'avons fait dans le sens inverse pour venir.

Nous prenons donc la voiture et attaquons d'emblée la montée sur DYRANUT qui dure environ 40km avec de longs et multiples passages à 8%. Je me dis que ça va être dur et au détour d'une épingle nous découvrons une petite route qui qui bifurque sur la gauche et qui longe les gorges qui mènent au sommet. Pas de doute, ça doit être « the old route », la vieille route, fréquemment utilisée pour la course, elle emprunte de nombreux tunnels, tortilles au dessus et en dessous de la route normale pour la rejoindre quasiment au sommet. Pour l'instant elle n'est pas ouverte à la circulation mais nous en voyons des portions lors de notre montée. En cours de route il se met à pleuvoir et plus nous montons, plus les températures diminuent. Partis à 19°C, nous voyons le tableau de bord indiquer successivement 18, 17, 16... pour finalement atteindre les 12°C. La haut le vent souffle comme nous ne l'avons par encore vu depuis notre arrivée et la pluie redouble d'intensité... Nous nous arrêtons, en profitons pour faire quelques photos au sommet et élaborer déjà les grandes lignes de la stratégie de course. Je partirai avec un seul bidon pour ne pas me surcharger dans la montée et Alex m'attendra ici, au sommet, pour me ravitailler en bidons avant la grande traversée du plateau et éventuellement ajouter ou enlever une couche...

Puis je luis demanderai d'être présent tous les 10km pour me ravitailler, prendre des photos, s'assurer que tout va bien ou tout simplement m'encourager !

Une fois les photos prises, ce qui n'a pas duré longtemps vu les conditions météo, nous reprenons la voiture et descendons sur GEILO. La première chose qui me choque c'est qu'il n'y a pas de descente en fait mais plutôt un long faux plat descendant, parfois montant, avec de rares descentes. Je m'attendais à une franche et bonne descente, il n'en sera rien ! Espérons juste que le vent ne sera pas trop présent et surtout pas trop de face pour ne pas trop subir sur cette portion qui devrait me servir à récupérer.

50km plus loin, nous atteignons GEILO, faisons un rapide tour de la ville, essentiellement axé sur la recherche de souvenir pour nos familles. Nous errons dans les quelques magasins de sport (hors de prix) du coin et trouvons un resto qui propose un buffet à volonté pour le midi, ce sera l'occasion de faire un « bon repas » pas trop cher avant la course...

Le temps passe vite et nous revenons sur nos pas, la pluie s'intensifie et la première mauvaise nouvelle du jour c'est que la météo qui devait s'arranger devrait finalement rester comme ça.

Nous arrivons sur EIDFJORD, rangeons nos quelques achats. Je fais une petite sieste et on me réveille pour participer au « pre-race briefing », le briefing d'avant course. Et là c'est la bonne nouvelle de la journée qui en annoncera rapidement une deuxième, mais moins bonne... Après une présentation de l'équipe d'organisation, de l'épreuve, des bienvenus en pagaille dans tous les sens et surtout dans toutes les langues, nous observons une minute de silence pour tous les morts et blessés au cours de la tragédie survenue il y a quelques semaines et qui a beaucoup marqué l'ensemble du peuple Norvégien. Cette minute est longue, lourde d'émotion et on ressent toute la souffrance de ce peuple auquel nous nous associons.

Arrive la bonne nouvelle, enfin me dis-je ! Il fait trop froid sur le site de natation et nous irons nager où l'eau est plus propice à la natation. En effet, j'étais allé essayé ma combinaison la veille, ainsi que mes chaussons, et une fois dans l'eau je n'avais pu faire que 100m, l'eau était glacée, me brûlait le visage, les mains ! Forcément, pour moi elle était à peine à plus de 10°C et l'organisation nous confirme qu'elle est à 11°C. C'est là qu'arrive en fait le deuxième effet kiss-cool... mais pas cool. De ce fait le plongeon du ferry se fera d'un endroit où on trouve une eau suffisamment chaude ou suffisamment pas trop froide et où également il y a un endroit permettant de faire stationner un parc à vélos complet. Le départ sera donc décalé de 20km. Cela m'arrange pour la natation car nous nagerons dans une eau correcte mais le vélo sera par conséquent rallongé de 20km... 180+20=200, le compte est bon pour moi...

Nous l'acceptons sans trop rechigner car c'est le prix à payer pour que l'épreuve se déroule correctement. En plus, ces 20km je les ai reconnus 2 jours avant en allant me dégourdir les jambes avec un autre concurrent Norvégien. Le briefing se termine avec quelques morceaux de musique locale qui nous prennent aux tripes et un jeu de questions-réponses avec l'organisation. Nous quittons ensuite tranquillement la salle pour nous diriger au tri-camp et finir de préparer nos affaires pour demain, pour tout à l'heure en fait car l'embarquement sera aussi avancé ! Il faudra donc se lever à 1H30 pour être bien. Dès la sortie nous allons faire la reconnaissance de l'aire d'embarquement sur le ferry et du parc à vélo. Nous nous rassurons ainsi avec Alex et croisons sur le chemin du retour une caravane de véhicules allant faire la même chose que nous. De retour, nous sommes quasiment seuls au tri-camp, en profitons pour charger le plus de choses possible dans la voiture, engloutissons un dernier plat de pâtes et j'essaie de trouver le sommeil, il est 19H30... Je somnole, me tourne dans tous les sens. Nous sommes une grosse cinquantaine au tri-camp et pourtant tout est clame, personne n'est à l'arrache et on essaie tous de dormir tôt, la journée de demain ne nous permettra pas de nous reposer... Je me réveille régulièrement, trempé de sueur dans mon sac de couchage. Il est 23H30, je me tourne une dernière fois sur le côté et la lumière s'allume aussitôt, il est déjà 1H30... Tout le monde s'agite, sauf Alex, qu'il faut que j'agite ! J'ai du mal à le réveiller car lui aussi a eu du mal à trouver le sommeil. Finalement il émerge et sa journée de « support team » commence, il court dans tous les sens pour que je sois le plus zen possible.

La journée la plus longue...

Nous finissons de charger quelques bricoles et prenons la direction du ferry. Difficile de se perdre, il y a quelques 150 véhicules devant nous. Je tente d'évacuer la pression comme je peux, musique, tentative de micro-sieste, rien n'y fait, je revois en boucle le film de ma journée, les résumés vidéo des années 2009 et 2010...

La pression monte toute seule. Nous arrivons sur zone, c'est toujours très bien organisé malgré le changement de dernière minute. Le parking est grand, et l'organisation nous oriente sans nous presser vers le ferry. L'ambiance est bonne, il n'y a pas de musique superflue, pas besoin de ça pour donner de la dimension à l'épreuve... J'enfile ma combi, dis au revoir à Alex qui doit aller déposer le vélo à T1 (L'aire de transition n°1) 10km plus loin. Je me fais enregistrer, on me numérote, et j'embarque, enfin !!!! Rapidement, c'est direction les toilettes, pas dur à trouver, il y a deux files d'attente interminables sur le pont... Là je retrouve Vincent, nous essayons de nous rassurer, d'évacuer la pression comme nous pouvons, retrouvons quelques concurrents rencontrés au tri-camp et le ferry prend la direction du large sans que nous nous en rendions compte. Les visages se figent et se crispent au fur et à mesure que les minutes s'écoulent. Nous ne sommes tous bel et bien que des hommes, y compris les meilleurs... Je regarde autour de moi et vois des concurrents des années précédentes qui se retrouvent, j'ai l'impression de voir une famille ! Je suis un peu chez moi tellement de fois j'ai vu toutes les vidéos de l'épreuve....

Le grand saut...

Ça y est nous y sommes, la banderole est accrochée sur le ferry, les lumières sont allumées. On peut voir une ligne de kayaks 500m devant nous matérialisant le départ. Nous nous avançons avec Vincent. « Tu mets tes lunettes où ? Sur la tête, oui mais si elles glissent ? Dans la main ? Oui mais si tu l'ouvres en sautant ?... » Des questions bassement matérielles nous envahissent. Pas le temps de réfléchir plus, il nous faut sauter, pas question de passer par la "chicken-door". Nous nous élançons ensemble, je crie en cours de route pour évacuer la boule de stress que j'ai au fond du ventre. Ça y est je suis dans l'eau, assez profond, je remonte et nous nous disons tout de suite qu'elle est super bonne ! Rapidement nous quittons la zone de plongeon pour éviter de prendre un golgoth Norvégien de 120kg sur la tronche... L'eau est vraiment bonne et nous voici aux kayaks, nous nous retournons de temps à autre pour savourer ces moments, c'est fou, nous y sommes !!! Un drone nous survole et fait des photos, nous filme. Pas le temps de s'attarder dessus, nous nous plaçons sur la ligne face à cette petite lumière qui clignote si loin, synonyme de demi-tour... Là, un coup de corne de brume déchire le calme et la brume qui a envahi le fjord ce matin, il résonne à travers les montagnes nous entourant, c'est grandiose et surtout c'est parti ! La ligne de départ était large, nous nous étirons donc sans trop de problème, sans frottements, ce qui est toujours très agréable. Mes sensations sont bonnes au regard du peu de séances que j'ai effectué ce dernier mois. Je glisse, tranquillement, m'oriente sans trop de problème et pense faire une natation assez propre. Nous sommes environs à la moitié du parcours lorsque j'ai l'impression que quelqu'un jette des graviers sur moi. Cette sensation dure une dizaine de secondes puis je me mets à observer la surface de l'eau. Horreur, il se met à pleuvoir des cordes ! Le vent se lève et le fjord se creuse un petit peu...

Il va falloir nager propre jusqu'au bout pour ne pas trop laisser de forces. Contrairement au Ch'triman l'année dernière la natation passe vite, même si je nage moins vite, j'arrive rapidement sur la lumière indiquant le demi-tour, je vise désormais le deuxième bateau qui nous amènera au camping où est l'aire de transition. Je suis toujours bien, il fait bon dans l'eau et je vois la foule qui s'est massée à la sortie de l'eau. Je nage et m'en approche que trop doucement à mon goût. Une petite trentaine de concurents arrivera hors temps à la transition à cause des conditions météo... Incroyable!

Ça y est nous y sommes, je sens le fond, je me relève et apprécie d'avoir mis des chaussons, premièrement pour ne pas avoir les pieds frigorifiés au vélo et ensuite car je peux courir jusqu'à l'entrée de l'aire... Pas le temps d'ouvrir ma combinaison qu'Alex m'a déjà attrapé le bras et traîné jusqu'à mon vélo. Cool, il était face à la sortie de l'eau ! Je finis de me déshabiller qu'Alex m'a déjà séché entièrement, frictionné les mollets. J'ai à peine le temps d'avoir froid que je suis déjà habillé. Il pleut et décide de partir seulement avec un coupe vent et mon gilet fluo. L'organisation a annoncé une amélioration en milieu de matinée, on verra si ça passe.

Mon premier 200...

J'enfourche donc ma monture et profite des 20km de rallonge sur le parcours vélo pour m'échauffer avant d'attaquer les quelques 1500m de dénivelé qui mènent à DYRANUT. Mes jambes vont bien et je mange rapidement une barre avant l'ascension. Quelques extra-terrestres me doublent comme des balles à vélo mais je me dis « fais ta couse ».

Ça y est, ça monte, nous bifurquons sur « the old route » et je découvre des routes en état très moyen, des tunnels sombres, des torrents, des éboulis de pierres, des gorges impressionnantes. Déjà les premiers coincent, partis trop vite, pas assez couverts. Je double également quelques types ayant crevé, je me dis que je n'aimerais vraiment pas être à leur place. L'ascension est longue et se fait sous la pluie. Vu la chaleur que je dégage, je peux ouvrir mon t-shirt et mon coupe vent, je ne suis pas trop mouillé, sauf aux pieds, j'ai oublié d'enfiler mes chaussons avant le départ. La route tortille toujours et nous voyons des spectateurs sur la route parallèle qui nous encouragent. Les « Heia heia » volent de tous les côtés ! Je suis bien et un replat me permet d'augmenter le braquet. Je suis seul pendant un bon bout de temps dans la brume, quelques types font le yoyo derrière moi, ils me rattrapent sur le plat et je les lâche aisément dans les montées. Là je croise Alex, je suis bien, il est heureux de me voir passer. Je peux lui parler, je lui dis qui tout est OK, il est rassuré, pas pour longtemps... Il reprend la voiture pour essayer de me voir plus haut. Il y a beaucoup de circulation et il s'arrête un peu plus loin pensant que je n'étais pas encore passé. Il se met à pleuvoir des cordes et il se dit que je dois avoir froid. Problème je suis déjà passé à cet endroit où les routes se croisent. Je suis quelques kilomètres au dessus et je ne le sais pas encore mais j'ai perdu mon support team pour quelques dizaines de kilomètres...

Je vois DYRANUT, mon bidon est presque vide, je ne suis pas trop mouillé et me dis qu'une fois que j'ai attrapé un bidon je vais pouvoir faire la descente à bloc. Les types devant moi s'arrêtent sur la droite et la gauche de la route et moi, je cherche mon Alex... qui n'est pas là... Je commence à cogiter, est-il parti plus loin, est-il en panne de bagnole, bref, le stress... Lui est quelques kilomètres plus bas, une bonne vingtaine environ. Il croise une équipe avec qui nous avons sympathisé, leur demande s'ils m'ont vu. Là il comprend qu'il m'a raté et que je dois être loin, très loin... Devant je roule, je prends une demi gorgée de boisson tous les 2km pour ne pas tout boire. Je passe les 60, 70, 80 puis arrive au kilomètre 90, enfin il me double, s'arrête plus loin et me file un bidon. Intérieurement je suis fou de rage, j'essaie de ne pas trop lui faire ressentir, mais il sait qu'il a failli tout foutre en l'air. Nous nous sommes retrouvés, c'est le principal ! J'arrive à GEILO, 110km, et là c'est une succession de 3 petits cols qui m'attend. Pour le premier, j'avais fait le col de la croix de fer mi juillet, quasiment similaire à ces 40km d'ascension. Pour ceux-ci je m'étais entraîné près de chez moi où il y a un petit col de 300m. Il devrait donc s'agir d'une formalité. C'est le cas pour le premier et dans le deuxième je me rends compte que je n'ai pas assez huilé ma chaîne, qu'elle couine toujours plus et j'ai peur qu'elle me lâche. Ca monte quand même bien, je reprends toujours du monde et nous jouons au chat et à la souris dans les descentes, comme ça le temps passe vite ! Alex réussit à me trouver de l'huile, je fais une pause pipi, m'étire un petit peu et mange de la pizza puis bois un grand verre de coca... Le bonheur c'est simple comme un bout de pizza ! Je repars après cet arrêt au stand digne des plus grandes écuries de formule1.

Il ne me reste plus que 500m de dénivelé à avaler et là je vois un type qui a perdu ou cassé une pédale. Je le plains et ne peux rien pour lui, j'espère d'ailleurs qu'il a fini ! Je suis toujours bien et je me souviens des paroles prononcées par un type qui avait déjà fait l'épreuve : « In this slope, you can fuck your legs for the marathon... » Pas besoin de traduction... Je gère et rattrape encore et encore du monde, au final je crois que j'aurais gagné plus de 20 places sur cette épreuve qui à la base n'était pas mon fort ! J'attaque le dernier mur, c'est long, ça tourne et des types sont quasiment à l'arrêt, je me mets en danseuse et les dépose. On peut lire sur la route des messages comme : « Sell your bike ? » (Veux-tu vendre ton vélo?) ou encore « Bite the pain » (Fais toi mal mec!). S'en suit un long replat de quelques kilomètres puis un dernier long faux plat jusqu'au dernier sommet de l'épreuve, pour le vélo bien sûr. Je jette mon gilet à Alex qui lui file à T2. Je bascule pour une descente vertigineuse et acrobatique de 30km, sous le soleil, enfin, ça fait du bien ! La route descend fort, sur plus de 15km on est à 60 – 70 avec de belles portions. Puis il y a des lacets, cachés parfois après de petits virages, la route devient mauvaise voire dangereuse. Elle remue fort, il y a des bosses, des espèces de dos d'âne. Je manque de tomber en position aéro 2 ou 3 fois et fais 1 dérapage magistral dans une épingle pour ne pas finir contre une barre rocheuse. La suite se résume à une descente tranquille sur AUSTBYGDE, à un petit 40km/h, on boit, on s'alimente, on tourne les jambes avant que l'épreuve dans l'épreuve ne commence, le marathon mais pas n'importe lequel...

Jusqu'au bout de moi-même...

J'arrive à T2, je me change entièrement et me badigeonne de crème anti-frottements. Ma transition n'est toujours pas extraordinaire, comme pour le vélo, mais qu'importe, je ne joue pas la victoire. Je pars bien, trop bien peut-être, je suis à 5' au km sur 10km puis à 6' au km sur les 10 suivants. Je reprends encore du monde et rentre virtuellement dans le top 100. Il me reste encore 5km à parcourir avant de tourner à gauche et d'attaquer ZOMBIE HILL.

J'arrive au 22, je vois un type devant qui marche dans un faux plat, Alex me dit d'y aller, qu'il est cuit et que je vais encore gagner une place... sauf que je suis aussi cuit que lui et me mets à marcher. J'essaie de m'étirer, cogite, la course débute vraiment maintenant. Je marche sur plus de 500m, tous les concurrents doublés sur les 20km me reprennent. Là je trouve les ressources pour repartir pour les 3 derniers kilo de plat. Nous tournons à gauche et c'est le premier ravitaillement de l'organisation. C'est aussi le km25, le début de la montée. Je lève la tête et vois un panneau, il indique plus de 10km à 10% !!!

Tout le monde se met à marcher sauf encore quelques extra-terrestres... Là c'est sûr je ne reprendrai personne sur cette portion. Je suis environ 110 au début de la côte. L'objectif est simple, être au pire 160 au km37,5 pour être autorisé à s'élancer à l'assaut du point culminant du TELEMARK. Alors je compte, 111, 115, 117, 118, 120. Je souffre et me retrouve face à moi-même, comme tous je pense. Je suis pris de crampes d'estomac, n'arrive plus rien à boire et à manger. Je me retourne continuellement pour voir si un wagon de coureurs ne va pas venir m'empêcher de finir la course au sommet du Mont GAUSTATOPPEN. J'arrive au km32, premier point de contrôle, un arbitre me demande si tout va bien, si je bois et mange comme il faut, j'essaie d'être à peu près bien quand je lui réponds, je lui dis que oui, qu'il n'y a pas de problème et que de toute façon je ne suis pas bien pire que les autres. Il me laisse passer. Il reste alors 5km pour atteindre le "mountain check-point", point de contrôle où les 160 premiers peuvent espérer passer pour obtenir le black t-shirt.

C'est long mais ça va un peu mieux. J’attrape mon dernier gel coup de fouet, le prend par petites doses avec un peu d'eau. Miracle, il passe, et je retrouve des jambes même !!! Je vois les km défiler au sol et un petit faux plat descendant se profile à l'horizon, je trottine même si je suis bien placé et que personne ne me doublera, c'est juste bon pour le moral ! Là je vois des voiture garées de part et d'autre de la route, des bannières Intersport flottant au vent, c'est le mountain check point, le fameux km37,5.

Je vois Alex qui prépare nos sacs, je lui dis que je continue pour ne pas m'arrêter mais c'est surtout pour évacuer toutes ces émotions, je craque véritablement pendant de longues minutes... C'est fort ce que je viens de faire et j'ai toujours ces vidéos des années précédentes qui repassent dans ma tête, je vais être un Norseman ! Un arbitre nous demande ce que nous avons dans notre sac, nous avons bien entendu le strict nécessaire et nous engageons dans la montagne...

Le Norseman d'Alex...

Moi, je vais mieux, le gel a fait son effet, je bois et remange comme il faut. Cette montée là je m'y suis préparé, les gros rochers et les marches ne me font pas peur.

Pour Alex, c'est sa course qui commence. Il n'a pas vu la journée passer, s'est régalé de l'ambiance régnant tout au long de l'épreuve, mais là les choses sérieuses commencent. Il n'aime pas trop les montées, encore moins les cailloux et pour lui l'antenne recule au fur et à mesure que nous avançons... J'ai fait ma part du boulot, Alex doit maintenant faire la sienne. Je ne lui mets pas la pression, lui qui avait peur de me voir courir dans cette ultime montée. Je suis avec lui, nous en profitons pour faire des photos, des pauses. Le black t-shirt est acquis, il ne nous reste plus qu'à aller au bout de l'aventure, ensemble...

En cours d'ascension nous nous faisons reprendre par une équipe de Norvégiens, devenus de très bons amis pendant les jours que nous avons passé au tri-camp. Nous sommes heureux de nous retrouver et d'être en route pour le sommet. Nous nous faisons doubler par d'autres concurrents avec qui nous avons sympathisé, nous sommes tous euphoriques ! J'arrête de compter notre classement aux alentours de la 130ème place, de toute façon l'important sera d'arriver.

Alex peine, il prend sur lui et nous arrivons en vue de l'objectif. Des larmes me montent aux yeux, il est difficile de les contenir. Nous avançons lentement mais sûrement. Un organisateur me dit de me dépêcher pour franchir la ligne mais j'attends Alex qui me demande de sortir le drapeau Français. Nous finissons ensemble et passons la ligne en 15H59' !!!

Une joie indescriptible...

Nous tombons dans les bras l'un de l'autre, pleurons comme des gosses à chaudes larmes ! Nous l'avons fait et c'est 8 mois de travail, d’entraînements qui viennent de se concrétiser de la plus belle des manières. Ma première réaction est de me dire que c'est une course de fou et que je ne reviendrai plus jamais. Quelques minutes après, il n'étais pas question de revenir avant quelques années et aujourd'hui je me dis pourquoi pas pour mes 40 ans... ou avant !

Nous nous dirigeons vers le restaurant d'altitude et mangeons notre soupe, ou ce qui passe, du bouillon, une gaufre en compagnie de nos amis Norvégiens... Mais pas grand chose ne passe et l'heure est plus aux retrouvailles et encore plus à savourer notre exploit, à se repasser les images fortes de la journée, à faire des photos !

Il est tard et Alex doit redescendre par où nous sommes montés, moi j'ai la chance de redescendre par un téléphérique qui heureusement n'est pas en panne. Tout le monde est au petits soins avec nous, café, couvertures et sucreries nous sont proposés tout au long de l'attente. La navette arrive et nous descendons dans les entrailles de la montagne avec VINKO, notre fameux camarade finisher...

La suite, un ironman de l'hôtel puisqu'il nous aura fallu plus de 2H pour le trouver. Finalement nous nous coucherons à 2H du matin, exténués, mais tellement heureux, on l'a fait, ensemble et je me dis que je ne viens pas de boucler mon deuxième ironman, mais qu'aujourd'hui je suis devenu, un NORSEMAN...

Pour vous faire ressentir la particularité de cette course, je vais essayer, jusqu'à la fin, de vous mettre en ligne des photos que je n'avais pas encore mis en ligne jusque là, ou encore des vidéos, mais les vidéos de qualité sont rares...

Le départ, le fameux saut de l'arrière du ferry dans une eau à 15°C environ...

La natation alors que le soleil se lève sur le fjord

(Pour le soleil nous ne devrions pas être embêtés...)

Le saut vu de loin, pour réaliser la hauteur du ferry...

Je pense qu'il faudra peut-être jeter des rochers avant nous afin de briser la glace s'il continue à faire si froid... Bref, de toute façon, on y sera, on le fera! J'espère vous avoir donné envie avec ces quelques clichés!

Voici un petit lien sympa qui j'en suis sûr apportera bon nombre de réponses à tous ceux qui s'en posent concernant le tracé du parcours vélo pour le Norseman.

Voici donc le (un) lien qui permet de se rendre sur le profil de la course et qui permet d'en apprécier méthodiquement le relief. Je l'ai trouvé par hasard, mais en cherchant bien et souhaitais le partager avc vous. Si quelqu'un a mieux, je suis preneur!!!

Hier soir c'était footing souple, 13km, 1H, 150m de dénivlé. On fait du jus, on fait du jus!!!

Allez, J-13...

La pression monte toujours un peu plus à l'approche de l'épreuve mais elle est montée d'un cran supplémentaire ce week-end avec la diffusion de la liste des dossards pour la course. Je porterai donc le dossard 131!!!

Après une étude rapide des numéros de dossards, j'en conclus la chose suivante:

- Dossard 1: Le favori, Tim DeBoom...

- Dossard 1 à 50: Les concurents "Elite"... Dont Vincent, le 2ème Français sur la course!

- Dossards 51 à 96: Les filles, soit 46 au total.

- Dossards 97 à 302: La plèbe...

Donc ça nous fait:

- 302 participants.

- 15% de femmes sur la ligne de départ.

- 23 nations de représentées!!!

- Et surtout un ultra-favori.. le 131!!! Les bookmakers le voient à 15000/1!!! Mettez un euro sur lui, ça peut rapporter gros... ou pas!

Pour ceux qui souhaitent voir la liste complète, c'est ici...

Et re-voici une autre vidéo à but pédagogique. Il faut dire qu'avec plus d'une vingtaine de nationalités représentées, une petite vidéo vaut bien mieux que de grands discours lorsqu'il s'agit de faire passer un message!...

Pour ceux qui n'auraient toujours pas compris ce qu'Alex allait faire durant la course, et bien voici des réponses en images. Cette vidéo précise même les consignes à respecter de la part du soutien pour le bon déroulement de la course.

Du bon sens je sais mais dans la précipitation... On ne sait jamais!

- Soutien:  technique, moral, sanitaire...

- Partenaire lors de l'ascension finale.

J'ai d'ores et déjà des idées d'affiches à mettre à l'arrière de la voiture histoire de me motiver... Je laisse votre imagination essayer de trouver de quoi il s'agit...